Le Testimonium Flavianum de Flavius Josèphe
Le Testimonium Flavianum, ces quelques lignes au sujet de Jésus, que l'on trouve dans le livre XVIII des Antiquités Juives de Flavius Josèphe, rédigé la fin du premier siècle, est il authentique ?
1. FLAVIUS JOSEPHE



Jérusalem

 
Josèphe: Sa vie

Joseph Ben Matthatias connu sous le nom de Flavius Josèphe est un juif issu d’une famille sacerdotale de haut rang né en 37. Il est à 29 ans, en 66, le commandant en chef de la Galilée lors de la révolte juive contre les romains et combat les troupes de Vespasien chargé par l'empereur Néron de rétablir l'ordre romain dans la région. Fait prisonnier en 67, il déclare qu’il a eu une révélation : Vespasien sera empereur. Josèphe devient alors son protégé. Il accompagne ensuite le fils de Vespasien,Titus, et assiste à la chute de Jérusalem, exhortant les révoltés à se rendre. Il monte alors à Rome ou il semble qu’il soit resté, protégé et probablement pensionné par Vespasien, Titus et Domitien.

 

Il se consacre alors à la rédaction de différents écrits destinés à défendre la grandeur du peuple juif auprès des élites de l’empire romain mais aussi à présenter et justifier sa propre histoire.  Les « Antiquités Juives » retracent toute l’histoire du peuple juif depuis ses origines, la « Guerre des juifs » est le principal et quasiment seul témoignage qui nous soit parvenu sur cette guerre des Juifs contre les romains, « Sua Vita » est une autobiographie, « Contre Apion » une défense du peuple juif en réponse à une critique d’un écrivain du milieu du premier siècle. C'est pour défendre sa nation, et aussi pour justifier son parcours et son ralliement à l'empereur, que Josèphe se fera historien et rédigera ses écrits. (Plus d'info sur la vie de Flavius Josèphe : ICI)

Pourquoi cette page ? Dans les « Antiquités Juives » Josèphe a écrit dans un court passage appelé « Testimonium Flavianum » quelques phrases qui évoquent la figure de Jésus. L’authenticité de ce témoignage a été contestée : le « Testimonium » serait une interpolation complète, un faux, réalisée par des Chrétiens. Pour d’autres un texte arrangé pour lui donner une tonalité chrétienne.

C’est l’objet de cette page de livrer de manière aussi objective que possible les réflexions et les arguments qui plaident en faveur de l’authenticité du Testimonium. Il ne s’agit pas ici d’apporter une certitude absolue mais d’analyser les différents arguments présentés et donner des clés à ceux qui souhaiteraient approfondir cette question. Les liens sur les textes originaux et les sites contenant des informations utiles sont renseignés pour que le lecteur puisse vérifier par lui-même les arguments avancés et se faire ainsi sa propre opinion.

Si vous voulez mieux connaitre la vie de Flavius Josèphe lisez  « Sua Vita », le préambule du Livre I et le tout début du livre  XVIII des « Antiquités Juives », le tout début et la fin (avec le nota) des guerres juives et de même le début et la fin de « contre apion ». Vous aurez alors une très bonne idée de l’homme qu’il fut.
 

   

      Flavius Josèphe ?
Josèphe : L'homme
Flavius Josèphe se présente, dans l’introduction de « sua vita », comme issu d’une famille très illustre de grands prêtres.  A l’âge de 13 ans, il rejoint un ermite qu’il suit pendant 3 ans et indique avoir rejoint ensuite «le parti des pharisiens ». Il se déclare Prêtre dans le préambule des « guerres juives » mais agit plutôt comme un chef de guerre puis, retiré à Rome, comme un historien et un polémiste. Mais il se présente comme un Général dans l’introduction de « Contre Apion » ce qui correspond mieux à son parcours jusqu’en 70.

 

Théodore Reinach note dans son introduction aux Antiquités judaïques  : « L'auteur de ces quatre livres ne fut, malgré ses prétentions, ni un grand écrivain ni un grand caractère ; ... Son œuvre, qui ne paraît pas avoir atteint auprès des païens son but apologétique, méritait de survivre. Négligée par les Juifs, qui ne s'intéressaient pas à l'histoire et voyaient dans l'auteur un demi-renégat, c'est à l'Église chrétienne qu'elle doit d'être parvenue jusqu'à nous. »  Voir ICI (Avant propos de Théodore Reinach sur les Antiquités)

Josèphe, en écrivant les antiquités et les guerres juives veut se faire le témoin de cette période charnière de l’histoire. Il veut aussi faire connaître la culture juive et sa grandeur aux grecs et plus généralement au monde cultivé de l’empire. Flavius Josèphe explique dans son introduction des Antiquités (voir ICI) : « Quant au présent ouvrage, si je l'ai entrepris, c'est que j'ai cru qu'il paraîtrait à tous les Grecs dignes d’attention. (…) Mais avec le temps et, comme il arrive souvent à ceux qui s’attaquent à une tâche difficile, il me vint des hésitations et de la paresse à traduire un si grand sujet dans une langue étrangère dont les habitudes ne nous sont pas familières. »

Flavius Josèphe, le pharisien ?
Dans « Sua Vita » Josèphe se déclare pharisien. Cependant, loin de l’homme religieux que ce terme laisserait supposer, Josèphe est essentiellement un chef de guerre et un homme politique rusé et pragmatique. Être pharisien pour lui c’est d’abord une rigueur morale - il compare le pharisaïsme au stoïcisme païen - et aussi un attachement à ses racines juives.

De sa quête religieuse ardente d'adolescent, qu'il évoque dans sua vita, il ne reste rien ou que peu de choses dans sa vie d'adulte : peu de référence au Dieu unique d'israël, aucune mention des règles contraignantes que devaient respecter les pharisiens, aucune indication de vie prière. Chef d’armée très jeune, puis rallié à Rome et pensionné par la maison flavienne dont il prendra le nom, c’est alors qu’il rédige ses écrits qui nous sont parvenus. Il est probable que ce ralliement ait été très mal vu des Juifs.

Josèphe est cependant resté le défenseur de la nation juive tout en se faisant le héraut de la grandeur magnanime de Rome et des empereurs Flaviens tout en se donnant le beau rôle d'un visionnaire adroit qui, s'il avait été écouté, aurait permis d'éviter la ruine de Jérusalem. 




Le Testimonium Flavianum

  
La controverse du Testimonium Flavianum
Le texte controversé (le Testimonium Flavianum) qui figure dans le chapitre 3 du livre XVIII des Antiquités juives dit ceci (Traduction donnée sur le site de Remacle ICI) :
« Vers le même temps vint Jésus, homme sage, si toutefois il faut l'appeler un homme. Car il était un faiseur de miracles et le maître des hommes qui reçoivent avec joie la vérité. Et il attira à lui beaucoup de Juifs et beaucoup de Grecs. C'était le Christ. Et lorsque sur la dénonciation de nos premiers citoyens, Pilate l'eut condamné à la crucifixion, ceux qui l'avaient d'abord chéri ne cessèrent pas de le faire, car il leur apparut trois jours après ressuscité, alors que les prophètes divins avaient annoncé cela et mille autres merveilles à son sujet. Et le groupe appelé d'après lui celui des Chrétiens n'a pas encore disparu ».
La controverse trouve son origine première dans cette petite phrase : « C’était le Christ » mais aussi par ces autres assertions qui laisse penser que Jésus est divin ou qu’il est ressuscité. En effet, il est évident que Josèphe qui se déclare pharisien, défenseur de la grandeur des juifs, n'est pas chrétien. Comment peut-il alors être l’auteur de ce texte ? Jusqu'au 16ème siècle, la question de l'authenticité du Testimonium ne s'est jamais posée. Mais c'est surtout à partir du 18ème siècle que la thèse d'un faux a été considérée, notamment de la part des encyclopédistes et en particulier de Voltaire. Pour eux, le Testimonium est un ajout de copistes chrétiens.
Mais ce point de vue se heurtait malgré tout à des objections majeures :
  • Comment un chrétien aurait-il pu écrire « les chrétiens n’ont pas encore disparu » ?
  • Pourquoi un texte si court aurait-il été rédigé par des chrétiens ? Dans quel but ?
  • Comment un chrétien pourrait-il parler de « Jésus homme sage » ? « Nos premiers citoyens » ?
A partir de la fin du 19ème siècle, une nouvelle thèse a gagné la faveur d’une majorité. Seules quelques parties de phrases (celles soulignées plus haut) ont été ajoutées par des chrétiens. Les termes considérés comme interpolés sont ceux qui font référence à Jésus comme personnage divin « si toutefois il faut l'appeler un homme », comme messie « c’était le Christ », et comme ressuscité « car il leur apparut trois jours après ressuscité ». Cette dernière thèse désignée « Interpolation partielle » est actuellement considérée par la majorité des avis donnés sur le WEB comme la plus probable. Une thèse a été publiée sur ce sujet en 2002 par Serge Bardet historien et hélléniste (voir ICI) un commentaire sur cette thèse qui « penche nettement du côté de l’authenticité, au moins partielle ».

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